Le pianiste Erroll Garner reconnaissait volontiers ne pas savoir lire une partition et ne jouer qu’à l’oreille. Sa virtuosité a pourtant fait sa renommée et sa légende. Depuis quelques années, l’industrie du disque réhabilite les œuvres de ce génial instrumentiste en rééditant certains de ses classiques ou en exhumant quelques archives inédites. Né à Pittsburgh en juin 1921, Erroll Garner quitta ce monde 55 ans plus tard, en janvier 1977. Bien que son passage sur terre fut assez bref, son jeu a marqué les esprits et continue d’attiser la curiosité de pianistes en devenir. Christian Sands, 29 ans, fait partie de ces jeunes talents fascinés par la technique et l’inventivité de l’illustre Erroll Garner. Il est d’ailleurs l’un des ambassadeurs d’un projet de préservation du patrimoine de son aîné. Il a pour mission de faire la promotion d’enregistrements historiques et, parfois, méconnus du grand public. Un rôle qui l’enchante et lui permet d’exprimer son bonheur de voir ce répertoire refaire surface aujourd’hui. Depuis 2015, les albums légendaires d’Erroll Garner sont à nouveau mis en relief. La ressortie du fameux Concert by the sea, publié à l’origine en 1955, a rappelé au public du XXIe siècle que la discographie du regretté pianiste était imposante et suscitait beaucoup d’engouement. En juillet 2018, un document rare a retrouvé sa place dans L’épopée des Musiques noires grâce au label Mack Avenue. Il s’agit d’un concert capté à Amsterdam en novembre 1964. Christian Sands, fervent admirateur d’Erroll Garner, attache beaucoup d’importance à la restauration de cet héritage musical. « Il faut rappeler le contexte dans lequel ce concert a eu lieu. Cela se passait au Concertgebouw d’Amsterdam où, pendant cette semaine de novembre 1964, des mélomanes étaient venus écouter des symphonies de Beethoven et de Haydn. Subitement, à minuit, ce 7 novembre 1964, ils voient apparaître sur scène un trio de jazzmen afro-américains. Imaginez le choc culturel ! Erroll Garner décida alors de ne pas se contenter d’une simple prestation jazz. Ce soir-là, il joua 2h30 sans interruption. Le public quitta les lieux à 3h00 du matin avec dans les oreilles la fougue d’un pianiste prodigieux. L’atmosphère devait être électrique et cela, en soi, fut un événement. À minuit, après Beethoven et Haydn, à Amsterdam, un pianiste a écrit une page d’histoire… » Pourquoi, dans ce cas, Erroll Garner est-il moins connu que ses homologues de l’époque, Duke Ellington et Count Basie ? C’est cette énigme que Christian Sands tente de résoudre. « Quand vous écoutez sa musique et que vous comptabilisez les musiciens qu’il a inspirés, vous ne pouvez que vous interroger. Que s’est-il donc passé pour que ce pianiste n’ait jamais été véritablement considéré à sa juste valeur ? Peut-être que, comme Jean-Sébastien Bach en son temps, sa musique n’était pas comprise par ses contemporains… Certes, on ne pense pas à lui tous les jours, mais on sait qu’il fait partie de notre famille. » Bien qu’il s’en défende, Christian Sands s’inspire forcément de la maestria de son illustre prédécesseur. Il suffit d’écouter Facing Dragons (Mack Avenue), son dernier album, pour déceler l’influence diffuse du véloce et créatif Erroll Garner. Finalement, faire du jazz en 1964 ou en 2018 repose sur cette audacieuse relecture d’un art majeur qui se nourrit des évolutions et révolutions de l’ADN culturel africain-américain. Christian Sands se produira cet automne en Europe, les 9 et 10 novembre au Duc des Lombards à Paris, puis à Prague, Milan, Munich, Stuttgart, Londres, etc… ? Site Eroll Garner ? Site Christian Sands
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